Je suis en retard pour mon cours d’amphi, mon préféré, celui avec la beauté d’anglais. Je souris un peu et entraîne Ciara avec moi, Ciara qui fumait jusqu’alors, sa cigarette en se foutant pas mal de l’horaire dépassé de quelques minutes. Bras dessus bras dessous, nous nous dirigeons vers l’amphi dans lequel nous arrivons sous le regard consterné du professeur qui a déjà débuté son cours. Mon regard balaye la salle et je trouve bien vite dans les premiers rangs ou l’anglais est assis devant son macbook. Je me place un rang au-dessus de lui accompagné de ma petite amie un sourire aux lèvres. Je m’installe entre Ciara et une autre fille et me penche en avant pour saluer le garçon que je sextote depuis quelques jours déjà. « Bonjour Aindreas… » Je murmure près de son oreilles ces quelques mots d’une voix délibérément suave. « Tu es en beauté aujourd’hui. Tu sais je suis toujours prêt à ce que tu me donnes des cours particuliers dans ma chambre… » Je me redresse et allume mon ordinateur sans me presser. Le cours suit son cours si c’est le cas de le dire et si je ne grille pas grand-chose à cause des cinq premières minutes de cours ratées, je prends le rythme.

Lorsque vient la pause, je tire un peu sur l’écharpe d’Aindreas que je vole sans honte pour la passer autour de mon cou. « Elle me va mieux qu’à toi, je crois que je vais la garder amour. » Je hausse les épaules et attends une réaction de sa part. Ciara elle ricane et s’exclame. « Un peu gay cette écharpe Teagan tu ne trouves pas ? » Je hoche la tête, assurément, mais ce type est gay, je le sens, et je sens plutôt bien ces choses là. Mon regard se pose sur lui insistant tandis que je joue avec son écharpe. J’aime vraiment bien ce mec, même si c’est loin d’être réciproque.

Je suis installé dans l’amphithéâtre, j’ai sorti mon ordinateur et suis à priori prêt à prendre le cours comme il se doit. Je n’ai toujours pas rencontré qui que ce soit d’intéressant ici, et en admettant que Jane soit dans le coin en train de batifoler ou de sécher, je ne l’ai pas croisée en venant. Je soupire, la vie ici est insupportablement morne et répétitive. J’aimerai pouvoir rentrer et reprendre ma scolarité normalement à Oxford mais mon père ne me laissera jamais faire une chose pareille. La solitude d’ici ajoutée au harcèlement que me fait jour et nuit le type qui justement vient d’arriver – en retard – dans notre amphi de droit constitutionnel me donne envie de fuir et de quitter le pays. Je ne sais pas ce qu’il me veut, à faire d’éternels sous entendus sur ô combien je serai gay et ô combien nous devrions coucher ensemble. Je grimace rien qu’à l’idée, lui s’installe, évidemment, derrière moi, espérer qu’il aurait pu me laisser tranquille aurait été idiot. Il susurre un salut passablement pervers à mon oreille et je soupire profondément pour lui montrer mon ennui. Un dernier sous entendu et il semble retourner à l’étudiant studieux qui mérite d’être en droit, je ne prends même pas la peine de commenter, me contentant de noter sans rien ajouter de plus.

Le prof nous donne une traditionnelle pause et je redoute la rechute ; effectivement, il tire sur mon écharpe qu’il me vole pour la passer autour de son cou. Je plisse le front et me retourne, secoue la tête. « Ca me fait pas rire, c’est une écharpe en cashmere… » Je grimace en entendant la réplique de l’autre pimbêche qui le suit partout et attrape mon ordinateur pour changer de place. « Garde là alors, elle te va mieux qu’à moi pour le coup ». Je soupire, je ne manque pas de moyens d’en racheter une mais ce type m’énerve au plus haut point. Je bouscule les gens sur ma rangée pour aller prendre place plus haut sous le regard étonné de mes camarades d’amphi.

Il râle, s’offusque que je lui subtilise aussi facilement sa belle écharpe en cashmere et mon sourire s’agrandit quand mes doigts eux passent sur le tissu. Je n’ai jamais porté une écharpe aussi chère et j’imagine que c’est ce qu’il y d’amusant dans tout ça. Lui et moi sommes totalement différents là-dessus et j’imagine sans mal qu’il soit l’un de ces privilégiés dont la famille amasse tout un tas d’argent en prenant des vacances dans un hôtel cinq étoiles et en buvant des cocktails bien plus évolués qu’un mélange de vodka et d’orange. J’enroule l’écharpe autour de mon cou et en respire un peu l’odeur. Aindreas a au moins du goût en ce qui concerne son parfum. Contrairement à ce que j’aurais pu croire, il ne se débat pas spécialement pour me la reprendre et en vient même à me la concéder en admettant qu’elle me va mieux qu’à lui. Cela dit, c’en est trop pour lui et il se lève embarquant son macbook dans le but plus qu’évident de battre en retraite. Comme il peut manquer d’humour parfois c’est terrible. Surtout qu’il se déplace pour rien., je pourrais parfaitement le suivre.

Je ne ne me démonte d’ailleurs pas et embarque mon ordinateur en laissant mes affaires en plan et Ciara par la même occasion pour m’installer cette fois juste à côté de lui. Passer un cours de droit constitutionnel sans mon anglais préféré, aurait profondément brisé mon cœur. Il n’a d’ailleurs, pas le temps de réagir que le professeur réapparait pour reprendre son cours. Un peu distrait par la présence de mon très sexy voisin, mon attention s’égare en sourires enjôleurs et ma main rejoins sa cuisse qu’elle redessine. Je murmure alors. « Je la porterai tous les jours à la fac ton écharpe. » Un clin d’œil plus tard je retire ma main pour le laisser souffler et admettre la terrible révélation qui va suivre. Je lui plait, c’est sur.

Mais il me suit, évidemment, et mes réflexes n'ont pas été assez bons pour que je m'épargne la corvée de devoir lui laisser une place, juste à côté de moi en plus. Je soupire tandis que lui s'installe, déposant son ordinateur sur le bureau. Je soupire, prêt à bouger de nouveau si nécessaire, mais le prof choisit ce moment précis pour réapparaître, bloquant tout espoir d'escapade. Je secoue la tête et grimace un peu, détournant les yeux pour tenter d'échapper à son insolence insupportable, mais sa main se glisse sur ma cuisse. J'écarquille les yeux et sursaute un peu sous la surprise, étrangement électrisé par le contact qu'il m'impose. Le choc, le dégoût, ça ne peut être que ça. Je le fixe, figé dans une incompréhension totale, et tente de m'éloigner un peu de lui tandis que lui murmure des choses absurdes et sans intérêt. Je me braque et lui retire sa main dans un clin d'oeil plein d'assurance. Qu'est-ce que ? Je grimace et me remets en place, faisant face à mon écran sans rien relever.

« Ravi qu'on t'ai fait un cadeau de qualité pour une fois ». Je roule des yeux et prends activement en note ce qu'ajoute le professeur, mais sens mon assurance faiblir un peu. La méchanceté n'est peut être pas franchement obligatoire, mais ce type me mets sur les nerfs avec son harcèlement répétitif et les réactions incompréhensibles qui s'en suivent. Je suis tout seul ici, je veux juste des amis, pas un gay acharné qui veut s'envoyer en l'air dans une salle après les cours. Je ne suis ni gay, ni ce genre de type, je ne peux rien lui offrir de ce qu'il attend de moi, alors pourquoi ? Je soupire et lâche mon clavier quelques instants pour tourner la tête vers lui. « Désolé. Mais j'apprécierai vraiment que tu me laisses tranquille maintenant, je n'ai rien à t'offrir ». Je soupire et reprends ma prise de notes, las.

Il grimace et tente de s’éloigner pour ne pas accentuer, là... comment qualifier ça sans paraître vulgaire ? Je fixe son jean et relève les yeux un sourire au lèvres notant mon cours sans un commentaire de plus. Ce qu’il me répond vis à vis de l’écharpe a malheureusement la caractéristique d’être assez dur. Il est vrai qu’il a sans doute raison sur ce point là, la remarque étant facile à envoyer à un pauvre garçon qui a passé la moitié de sa vie recueilli par une association catholique, et l’autre au sein d’une famille qui ne l’a jamais vraiment couvert de cadeaux. Je ne dois blâmer personne, peut être que si j’avais été quelqu’un de normal comme Aindreas, une famille comme la sienne m’aurait adopté et aurait fait de moi le parfait petit étudiant modèle d’une des plus prestigieuses université du monde, mais mes bons résultats n’ont eu de mérite que de m’offrir le luxe de commencer des études que j’abandonnerai probablement au profit d’une indépendance. Lui et moi sommes très différents et j’imagine que c’est ce que je recherche dans sa présence, l’espoir d’une vie meilleure. J’aimerai vraiment me hisser au niveau d’Aindreas et fréquenter ce type de garçon me laisse sans doute stupidement croire que tout pourrait être différent pour moi. Je prends une inspiration pour répondre, mais il s’excuse.

Je hausse les épaules et répond sans plus attendre. « Je ne vois même pas pourquoi tu t’excuses en fait. » Je note mon cours sans rien ajouter de plus et lorsque le professeur annonce la fin du cours, je remballe mes affaires sans lui adresser un regard, nouant l’écharpe autour de mon cou. « J’espère que tu seras heureux avec tous ces cadeaux de qualité qu’on te fait Aindreas. » Je ne prends même pas la peine de lui lancer un pique sur son entrejambe et quitte l’amphi en reprenant ma veste près de Ciara, qui me questionne déjà sur sa mauvaise humeur.